Emma Haziza est hydrologue et fondatrice de la société Mayane, structure spécialisée dans l’accompagnement des territoires dans la mise en œuvre aux risques climatiques et hydrologiques. Elle a accepté de répondre à nos questions pour nous partager à la fois son regard sur les grands enjeux de l’eau, mais également sa récente expérience auprès des indiens Kogis de Colombie. Cette expérience appelée diagnostic croisé entre scientifiques francophones et chamans vise à ouvrir un dialogue entre sciences modernes et savoirs ancestraux au service du vivant.
Pourriez-vous nous rappeler les grands enjeux actuels liés l’eau ?
On voit bien qu’il y a trop d’eau avec les inondations, trop peu avec les sécheresses, on remarque la pollution de l’eau, mais on ne prend pas la mesure du déséquilibre plus général du cycle de l’eau.. La moitié des rivières dans le monde sont en train de devenir intermittentes et ce qui m’inquiète c’est qu’on évoque uniquement le problème du carbone. On a résumé la terre dans un taux de carbone. On a oublié la complexité des interactions et les grands cycles du vivant, la compréhension du cycle de l’eau.
Toutes les grandes richesses dans le monde n’ont pu voir le jour que parce que nous avons fait des forages, parce que l’on a extrait une eau en profondeur qu’il ne fallait pas toucher. Plutôt que d’attendre qu’elle arrive à la source, la rivière ou le fleuve ou par la pluie, l’Homme a décidé de la récupérer plus rapidement. Nous avons progressivement fait des trous partout sur la Terre et avons été piocher cette eau, qui parfois, s’était infiltrée il y a des millions d’années et nous sommes en train de vider toutes les eaux souterraines. Les sécheresses sont dues à ces déséquilibres. Elles vont avoir pour conséquence un réchauffement local, cela augmente l’évapo-transpiration et donc accentue la sécheresse, qui a nouveau augmente les températures. Nous sommes dans ce cycle infernal, comme des hamsters dans une roue, et nous la faisons tourner toujours plus rapidement, avec le sentiment que cela ne doit jamais s’arrêter. Il faudrait que tout le monde comprenne qu’il faut remettre l’eau dans les nappes.