Depuis 2012, des ateliers de théâtre adaptés sont proposés aux personnes en situation de handicap sur le territoire de Montaigu, avec, à l’issue, un spectacle qui crée des liens entre acteurs handicapés et amateurs valides !
C’est le point de départ des ateliers Renc’Art, animés par Sylvain Rautureau depuis 2012. Ce dernier découvre le théâtre au collège à Montaigu, passion qui l’amènera à lancer une troupe de de théâtre amateur avec un camarade de lycée, Amis Parcours, puis des ateliers théâtre pour intégrer les nouveaux arrivants.
En 2012, le Service d’Accompagnement à la Vie Sociale de La Guyonnière, une branche de l’ADAPEI-ARIA de Vendée, contacte la troupe pour leur proposer de mener des ateliers théâtre avec des personnes en situation de handicap cognitif léger. Sylvain, sensibilisé au handicap et ayant travaillé pour des structures sociales, est séduit par l’idée et anime un premier stage-test. Le succès de ce dernier conduit à la création des ateliers «Renc’Art», cours de théâtre adaptés réguliers accueillant une dizaine de personnes en moyenne, atteintes de handicaps cognitifs, trisomie 21 ou de retards mentaux légers. En parallèle, l’association Festivi’thé propose un atelier théâtre: à destination des personnes dites «valides», surnommé le «groupe du jeudi». Le spectacle final restitue conjointement le travail des deux groupes. Un théâtre inclusif, où les amateurs s’enrichissent les uns les autres, où chacun pour s’immerger dans le monde de l’autre. Pour Sylvain, il s’agit de montrer que
«le théâtre, tout le monde peut en voir, mais tout le monde peut aussi en faire»
Le mardi soir, une semaine sur deux, le groupe Renc’Art se réunit au Pavillon des Nourrices à Montaigu, bâtiment biscornu d’un autre siècle qui surplombe le parc du Château. Sous les combles éclairés par des projecteurs, à l’abri d’une lourde charpente en bois massif, la troupe a créé ici sa salle de répétition, tout à la fois scène, loges, coulisses et entrepôt de décors et costumes. Ce jour-là, c’est l’heure des essayages ! Chacun revêt son costume et l’on voit se dessiner les futurs personnages : ici Obélix et son ventre proéminent, là Falbala et sa perruque blond peroxydé. Le tout dans un bouillonnement jubilatoire. Puis vient le moment de répéter quelques saynètes, chacun se concentre pour retrouver les postures et déplacements déjà travaillés, entrer au bon moment et ne pas oublier un bout de réplique, sous l’œil patient du metteur en scène. Malgré les hésitations, on rit des répliques truculentes d’Astérix le Gaulois et ses acolytes, et des anachronismes surréalistes dans les dialogues. Le plaisir des acteurs amateurs est communicatif. Quelques minutes plus tard, fou-rire général quand l’arc en plastique de Robin des Bois se rompt en pleine scène.
À leurs côtés, des amateurs du « groupe du jeudi » viennent assister aux répétitions et soutenir le groupe : souffler les répliques, prendre le rôle d’un absent ou aider à enfiler un costume. L’entraide est spontanée, le groupe soudé.
Pour Alexia, 24 ans, c’est sa première année dans l’atelier adapté. Elle a découvert le théâtre pendant un stage à l’ESAT du Planty, entreprise adaptée à La Guyonnière, et a décidé d’intégrer Renc’Art en juillet. Elle l’annonce d’entrée de jeu : pour elle, le théâtre,
« c’est beaucoup de plaisir et un peu de stress aussi, la peur de se tromper, de perdre son texte »
Une crainte largement partagée par les autres membres de la troupe. Ludivine, 34 ans, qui attaque sa deuxième année, raconte qu’elle « a eu peur la première fois de monter sur planches, mais que maintenant ça ne [lui] fait plus rien »
Sylvain Rautureau constate l’évolution de chacun de ses élèves au fur et à mesure des séances : pour certains, prendre la parole en public, parler fort ou être sur scène correspond aussi à un challenge personnel, comme le rappelle Êve :
« comme j’ai peu confiance en moi, ça m’aide »
Le spectacle final permet aussi de montrer ceux qu’on voit rarement sur scène ou sur les écrans :
« pour eux, c’est un moment où ils sont écoutés. On ne les met pas en échec, ça leur donne confiance »
Même si les moments de stress sont présents, aucun ne cède au découragement et « tous vont au bout du projet »
Sylvie, elle, a rejoint le « groupe du jeudi » depuis juillet, avec sa fille Maëlane. Une première expérience de théâtre, où la pression s’est rapidement transformée en plaisir, au contact d’une troupe accueillante et soudée. Pour Sylvie, le contact avec le groupe adapté Renc’art s’est révélé être « sa cerise sur le gâteau ». Si elle s’entraîne et répète avec le groupe « des valides », elle assiste régulièrement à l’atelier du mardi, « un rendez-vous important où elle est dans son élément » et complètement adoptée par le groupe. Ensemble, ils ont tissé des complicités fortes, qui se manifestent par des câlins à chaque séance. Elle se dit
« fière d’eux, fière de faire partie de l’équipe »
Catherine, elle aussi membre du « groupe du jeudi », a rejoint Festivi’thé l’année dernière. Une aventure qu’elle a tenté à l’heure de la retraite, sans jamais avoir osé franchir le pas avant. Pour cette deuxième année, elle s’est vu confier le rôle de costumière et accessoiriste de la troupe. Elle « qui n’est pas du tout dans les chiffons, pas du tout couturière » finit par y prendre goût. Depuis plusieurs semaines, elle écume les ressourceries, Emmaüs et vide-greniers pour dénicher des trésors pour le show.
L’année dernière, le spectacle mixte avait été très bien accueilli par le public, avec l’impression de vivre un moment suspendu. Une spectatrice se rappelle :
« Au-delà des petits couacs et des pertes de texte, la mixité sur scène fait appel à l’humanité de chacun ».
À trois semaines de la première, toute la troupe met les bouchées doubles pour organiser le dîner-spectacle « Histoires de K-Barré » : un cabaret de 3h comme une traversée historique, entrecoupé d’entractes où sera servi le repas dans un esprit zéro-déchet. Pour l’occasion, l’association a fait appel au traiteur « La Centrale du Bocal », qui leur fournit des repas en bocaux, sous-vide, à base de produits frais et locaux, et sans déchets inutiles. Les recettes des 4 représentations iront au profit de l’Association Vendéenne de Soutien aux Maladies Orphelines.
Le grand soir est attendu avec impatience ! Chaque groupe a hâte de découvrir le travail de l’autre, de voir réunies les différentes saynètes préparées à la sueur des fronts et des zygomatiques. Ceux qui ont déjà vécu l’expérience l’année dernière se réjouissent déjà de vivre à nouveau cette aventure humaine particulière, l’effervescence des coulisses et la solidarité au plateau.