Matthieu Brullon, architecte, place la responsabilité sociale et environnementale au cœur du bâtiment

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23 septembre 2024

Matthieu Brullon, architecte, place la responsabilité sociale et environnementale au cœur du bâtiment

 

Mathieu Brullon est architecte. Avec Fruits Architecture, son entreprise, il place dorénavant la question de la responsabilité sociale et environnementale des bâtiments qu’il conçoit au cœur de sa pratique professionnelle.

En tant qu’architecte, pourquoi et à quel moment as-tu souhaité intégrer les enjeux écologiques ?

J’ai été diplômé en 2004, cela fait donc un petit moment ! Mon parcours est un peu atypique. J’ai fait mes études à Paris et commencé à travailler avant même d’avoir mon diplôme, en activité libérale indépendante ou en tant que salarié. J’ai travaillé à mon compte ou en collaboration avec des cabinets d’architecture parisiens à des programmes de bâtiment importants (habitat collectif, bâtiment tertiaire, équipement public ou industriel...) et ce, sans jamais m’enfermer dans une typologie et en expérimentant constamment. En France ou à l’international (Russie et Chine), j’ai toujours travaillé avec des maîtrises d’ouvrage déléguées, des élus, des directions de travaux et rarement en prise directe avec les usagers finaux. Depuis toujours préoccupé par l’impact de la construction sur l’environnement, j’ai distillé ponctuellement des mises en œuvre plus vertueuses dans mes projets mais sans véritablement de démarche globale de conception , les logiques de projets d’échelles étant particulièrement compliquées à concilier avec des orientations éco-constructives. Cela m’a particulièrement affecté, je ne parvenais plus à trouver du sens à ce que je faisais. Les bâtiments d’échelle importante sur lesquels je travaillais occasionnaient 2 à 3 ans d’études et 2 ans de travaux, autant dire que lorsqu’ils étaient livrés, ils étaient déjà obsolètes au regard de la réglementation. A peine exploités, ils entraient parfois déjà en maintenance. Sans compter la débauche de matériaux nécessaire à leur édification ou l’inconfort lié à l’absence de considération quant aux thermique, acoustique ou sanitaire (ventilation notamment). A l’occasion d’un changement de vie personnel, je suis venu en Vendée après m’être formé au bâtiment passif avec le Passivhaus Institute, initié à la construction bois, certifié pro-paille, initié à l’utilisation de matériaux biosourcés… cela a révolutionné ma méthode de conception du bâtiment, mais aussi ma perception de ce qui était beau et réussi en matière d’architecture ! En tant que concepteur de lieux de vie, je ne voyais plus l’intérêt de continuer mon métier si c’était pour continuer à produire des bâtiments vecteurs de pathologies, tant pour les usagers que pour le bâti lui-même. Aussi, en 2019, je fonde Fruits Architecture avec l’ambition de concevoir et réaliser des bâtiments sains et confortables à petite échelle, en prise directe avec les usagers ou les artisans réalisateurs. La mise en œuvre de matériaux plus sains tels que le bois, la terre ou les isolants biosourcés et le confort de vie pour objectif final sont les pièces maîtresses qui constituent la base de mon travail aujourd’hui. J’ai rencontré d’autres architectes qui officiaient déjà en Vendée (je cotraite notamment régulièrement avec Paolo Frosio, un architecte avec qui je partage des locaux en Ssud Vvendée) ainsi que des artisans de qualité que je recommande dès que j’en ai la possibilité. Ma méthodologie de travail a considérablement changé car les projets sur lesquels je travaille sont en lien direct avec les usagers et les choix que j’opère ont des impacts techniques et financiers immédiats sur la mise en œuvre. Je n’ai plus d’intermédiaires. Le cadre professionnel dans lequel j’évolue depuis 2019 n’a plus rien à voir avec celui que je connaissais il y a 10 ans, j’ai dû faire acte d’humilité et réapprendre à pratiquer mon métier autrement, comme si je sortais des études. Pour autant, les premiers chantiers sortent de terre depuis 2022 et tous mettent en œuvre des solutions durables (locaux commerciaux, maisons individuelles, extension restaurant scolaire). La direction que j’ai choisie de donner à ma pratique du métier est loin d’être la plus facile, mais je reste convaincu de son bien- fondé.

Comment cela se manifeste dans la conception et la mise en œuvre de tes projets concrètement ?

Lorsque j’aborde un projet, je cherche à cerner très précisément les besoins. Mon objectif n’est pas seulement de permettre de concrétiser la réponse fonctionnelle au besoin, c’est aussi de savoir s’il est pertinent ou non de procéder à cette concrétisation. Écologiquement parlant, cela a du sens. L’architecte est aussi celui qui questionne la légitimité du besoin, c’est une responsabilité que de mettre en évidence la pertinence ou non de réaliser une construction et de déterminer sa juste dimension. La frugalité commence ici. Je propose ensuite un aménagement que l’on fait évoluer ensemble, avec le porteur de projet. Ce n’est pas moi qui vais utiliser le lieu, ce n’est pas mon projet. J’aime que celui qui initie le projet et qui va l’utiliser, s’implique. Ensuite, il y a la question du « comment », quelles mises en œuvre sont les plus pertinentes pour permettre cet aménagement et ce, avec un impact environnemental maîtrisé ? Il faut tenir compte de bon nombre de paramètres : le budget, la durée du chantier, les ressources de mise en œuvre locales, la capacité d’investissement dans le chantier...

Avec quels matériaux envisages-tu des habitats sains, durables, et confortables ?

En ce qui concerne les matériaux, qu’ils soient conventionnels ou biosourcés, il faut garder en tête une règle d’or : le bon matériau au bon endroit. C’est le gage d’une construction durable et responsable. Ensuite, pour des considérations sanitaires mais aussi de performance, le choix du biosourcé est salutaire. Je perçois l’acte de construire comme étant un investissement et non une dépense.

Comment perçois-tu les évolutions actuelles qui entourent le monde du bâtiment et de l’habitat ?

Si on considère la seule composante de croissance démographique, les logiques de massification dans l’acte de construire sont nécessaires, donc la réglementation est nécessaire. Mais les paradoxes et les incohérences sont légion lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des solutions de constructions plus vertueuses. Qui plus-est, les ressources s’amenuisent. On doit maintenant, et c’est une certitude, faire mieux et avec moins, tout le monde s’accorde à le dire. La frugalité n’est pas un choix mais une nécessité. Massifier et réglementer dans la frugalité s’avèrent donc nécessaires. Pour cela, l’industrialisation est un atout d’ailleurs. Cependant les choix politiques opérés aujourd’hui ne permettent pas encore d’instaurer un cadre serein et responsable, les pouvoirs publics n’ont toujours pas pris la mesure des enjeux. Par ailleurs, je suis loin d’être le seul à vouloir mettre en œuvre des solutions plus vertueuses et force est de constater que nous ne sommes pas soutenus économiquement. Il n’y a aucune incitation pour que les entreprises acquièrent du savoir-faire dans la mise en œuvre de solutions plus responsables. C’est toujours une affaire de choix personnel, d’engagement, parfois de militantisme... Tout ce que je mets en œuvre aujourd’hui est rendu possible parce que j’ai fait des choix qui induisent des sacrifices de ma part...

Tu es co-fondateur d’un collectif « Bâti en Vie », comment est né ce projet, quelles sont ses intentions et éventuelles réalisations depuis sa création ?

J’ai rencontré des artisans de qualité, avec des ambitions et des valeurs qui s’accordent avec les miennes. Nous avons réalisé ensemble un petit pavillon au Parc de la Folie de Finfarine à Poiroux, qui met en œuvre une ossature bois et un remplissage en terre-chanvre allégé. Nous avons souhaité partager cette expérience et diffuser les savoir-faire. Nous nous sommes lancés dans l’organisation de rencontres professionnelles en 2023 sur 2 jours dans le Parc de la Folie, aimablement mis à disposition par l’Association Abeilles, Miel et Nature qui gère le lieu. La création de l’association Bâti en Vie a permis de structurer l'organisation de cet événement qui a rencontré un vif succès et mis en évidence de véritables attentes, tant chez les professionnels que chez les porteurs de projets. Depuis, nous nous attachons à donner à l’association un cadre et un objectif clair dans la mesure du temps que nous pouvons y consacrer, c’est-à-dire peu ! Mais l’envie est toujours là, ainsi que les forces vives. Nous souhaitons d’ailleurs prochainement organiser des visites de chantier et un petit événement autour du réemploi. J’essaye d’articuler ce travail au niveau local avec les objectifs du réseau de professionnels Echobat dont je suis un des administrateurs. L’objectif de ce réseau est de fédérer des professionnels afin de promouvoir un acte de bâtir avec un fort impact social et un faible impact environnemental. Fort de plus de 400 adhérents, l’association Echobat agit à un niveau inter-régional avec l’ambition d’essaimer au niveau national. Elle dispose d’outils dont j’entends me servir pour tenter de développer un acte de construire plus vertueux en Vendée

Qu’est-ce qui t’anime plus personnellement dans cette période en tant qu’architecte ?

J’ai appris à concevoir des lieux de vie. Habitat, bureaux, équipements, etc. Dans un monde de plus en plus complexe, j’aime à penser que l’on peut répondre à des besoins de manière très simple par des choix d’aménagement durables, avec un impact bénéfique sur la vie des gens.

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Leopoldine
Leopoldine
25 Sep 2024

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