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À Saint-Denis-du-Payré, les aigles de Bonelli en voie de disparition déploient leurs ailes !

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Dans le jardin de Christian Pacteau, des sifflements gais et mélodieux transpercent le vent pour vous souhaiter la bienvenue : ce sont ceux des quatre couples d’aigles de Bonelli. « Vous entendez le chant de celle-ci : il est beaucoup plus fluide alors que l’autre vient de la gorge » me fait remarquer l’éleveur qui sait reconnaître chacun de ses oiseaux.

L’aigle de Bonelli, une espèce menacée

Nous sommes à Saint-Denis-du-Payré, entre Luçon et La Tranche-sur-Mer, dans le seul centre de reproduction en captivité du rapace le plus menacé de France. L’aigle de Bonelli est un magnifique rapace brun et blanc orné, entre les épaules, d’une tâche blanche qui s’agrandit avec l’âge. La persécution (tir illégal, braconnage) et l’électrocution par les poteaux électriques sont les principales causes du déclin de l’espèce depuis plusieurs dizaines d’années. L’oiseau a été également victime de la transformation de la garrigue non exploitée en forêt, refermant ainsi les espaces naturels où le rapace chasse le lapin, les rongeurs et les palombes. Il ne reste qu’une trentaine de couples à ce jour en France. Un chiffre inquiétant qui justifie que l’espèce soit inscrite sur la liste rouge nationale de la faune menacée dans la catégorie « en danger ».

Au milieu des années 90, l’Union Française du Centre de Sauvegarde de la Faune Sauvage (UFCS) propose à Christian Pacteau de prendre en charge le projet de reproduction des aigles de Bonelli pour préserver l’espèce. La construction du centre est un défi car leur reproduction est rarissime en captivité. Le passionné de rapace se souvient avec émotion :

« Au début, je n’en n’avais pas vraiment envie car j’adore avant tout l’épervier. Les aigles m’étaient totalement inconnus. Maintenant que je les ai, quand je les vois, cela me remplit de bonheur, tels qu’ils sont, tels qu’ils bougent, tels qu’ils se reposent ».


Grâce à des financements français, il construit un bâtiment qui abrite aujourd’hui 10 volières. Dès 2015, ce centre fut intégré au premier projet de conservation des aigles de Bonelli proposé par l’Espagne. Ce programme européen, Life, est spécialisé dans le financement de projets environnementaux et cofinancé à 50% par l’Union Européenne et à 50% par le pays porteur du projet. Actuellement, le centre est intégré au second Life espagnol par l’intermédiaire de la « Mission Rapaces » de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO).


L’aigle de Bonelli est un magnifique rapace brun et blanc [...] victime de la transformation de la garrigue non exploitée en forêt

Le succès d’une méthode de reproduction rigoureuse

Depuis 2014, le nombre de naissances dans le centre vendéen est une véritable prouesse :

« Je suis à 62 poussins transmis dans des centres de réinsertion, dont 59 en Espagne. Cela représente environ 10 poussins par an, en moyenne avec 4 couples actifs. Je ne connais pas d’autres situations similaires ».

Un succès qui n’a rien du hasard. C’est le fruit d’une méthode construite sur la base d’études comportementales (éthologie) qui remontent au plus jeune âge.

« Dans ma jeunesse, j’ai vécu seul dans une maison totalement isolée. Pas de copains autour de moi. Mes seuls compagnons sont les animaux de la basse-cour et les animaux familiers que l’on a chez soi quand on est gamin. J’ai découvert les animaux avec une vision extrêmement solitaire ».

Vers l’âge de 20 ans, une rencontre avec un rapace dans un zoo est décisive. Christian Pacteau sourit en parlant de coup de foudre :

« C’est l’expression française qui exprime le mieux cette impression extrêmement brutale d’être en face d’un être vivant avec lequel on a quelque chose en commun, quelque chose où on se reconnaît au travers des attitudes. On sent que l’on a un langage gestuel qui nous informe de ce que l’animal ressent sur le moment et de ce que l’on peut percevoir du ressenti de l’animal ».

Christian Pacteau débute l’élevage de rapace bénévole dans les années 1970. Ses premières amours commencent avec les éperviers :

« J’ai voulu faire de la reproduction des éperviers en captivité. Je sortais de l’université et j’en avais acquis une méthode scientifique qui m’a été d’un très grand secours. Avant de commencer la reproduction, j’ai lu beaucoup d’auteurs sur l’éthologie et c’est là que j’ai pu trouver mes idées. Ma grande découverte a été le mot « ontogenèse ». L’ontogenèse décrit comment au cours de son développement un individu est façonné par son histoire. Pour donner un exemple simple : si vous achetez un jeune chiot, que vous l’enfermez dans un chenil tout seul, et que vous vous contentez de lui donner de la nourriture, il ne sera pas le même que si vous le choyez, vous lui donnez de l’affection, en plus de la nourriture. Ce seront deux chiens très différents dans leur psychologie, il y en a un qui restera craintif, voir hargneux et l’autre qui sera très tolérant avec l’Homme. »
 


 

Des observations enrichies également par son métier

Enseignant retraité, les lectures didactiques ornent sa bibliothèque. Un métier et une passion qu’il considère interpénétrables.

« Tout s’entremêle dans mon histoire : l’éthologie est proche de la psychologie. »

Par cette approche scientifique, Christian Pacteau a pu dégager des fondamentaux indispensables pour comprendre la reproduction des aigles de Bonelli.

« Concernant la reproduction en captivité, on sait que les oiseaux capturés sauvages ne se reproduisent pas. La conclusion que j’en ai tirée est qu’un oiseau qui s’est construit dans l’environnement a appris la méfiance à l’égard de l’Homme, il le craint, il le fuit. Si on le met en cage, il est en stress permanent, donc il n’est pas en mesure de se reproduire. Mon idée a ainsi été de travailler avec des jeunes élevés en groupe. J’ai observé l’élément fondamental du jeune : l’attachement. L’attachement crée un lien très fort. Donc si on garde les jeunes élevés ensemble jusqu’à leur maturité, ils devraient se reproduire au sein du groupe. Cette thèse a été entièrement validée par toutes les expériences que j’ai pu faire avec les éperviers, les autours des palombes et les aigles de Bonelli ».

Au fil des années, Christian Pacteau connaît ses oiseaux au bec bleu-gris sur le bout des doigts. Pour observer la formation d’un couple, l’amateur éclairé me livre un secret :

« Chez les animaux, il y a des comportements spécifiques qui signifient qu’il y a une relation entre les individus monogames, comme des salutations. Chez les Bonelli, vous ne voyez absolument rien, sauf que deux Bonelli qui ne s’entendent pas seront chacun à un bout de volière, alors que deux Bonelli qui s’entendent et qui forment un couple sont touche-à-touche sur le perchoir ». Toujours très à l’écoute, notre éleveur s’adapte pour permettre au rapace d’être en confiance : « Je n’interviens jamais le jour, pour ne pas les perturber et pour qu’ils ne m’associent pas à quelque chose de négatif ».

Pourtant, malgré ces analyses très détaillées, les premières années d’élevage sont difficiles et les résultats se font attendre : il y a de la reproduction mais le taux de mortalité embryonnaire est très élevé.

« En 2014, une amie vétérinaire et paysanne m’a fait comprendre que mes échecs de production venaient de la qualité de ma nourriture. En changeant la nourriture, ma mortalité embryonnaire est passé de 45% à 2-3%.».

Au mois de mars/avril, des aiglons nouveaux-nés trouveront refuge dans le salon de l’éleveur. Ils resteront un mois et demi avant de partir vers l’Espagne pour être réintroduits dans leur milieu naturel. Ils voleront de leurs propres ailes, dans les douces aurores, au-dessus-de nos garrigues et de nos vignes. Un souffle de liberté qui peut être parfois rattrapé par les dangers de la vie terrestre : « L’autre jour, j’ai vu en photo l’une de mes femelles sur un fil électrique en Espagne, ça m’a beaucoup touché » s’inquiète notre bienveillant éleveur qui garde toujours un œil sur ses protégés. Il y a une semaine, deux aigles de Bonelli ont été abattus en période de chasse dans le Gers et les Landes. Une triste nouvelle qui rappelle que la lutte pour la préservation de cette espèce essentielle à notre écosystème méditerranéen reste un combat quotidien.


Mélanie Noublanche


 

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