"Vous connaissez le phragmite des joncs ? Vous en avez déjà vu ? Moi non plus ; mais je l’entends le soir, au printemps, elle fait schr, tchac tchac tchac, un bruit de mitraillette. C’est un tout petit oiseau qui niche sur les roseaux au bord des fossés. Enfin, il niche, mais à condition que je ne fauche pas les roselières pendant tout le printemps et l’été, comme ça se fait habituellement au moment des foins."
Lucie Maritaud est une jeune femme aussi souriante que déterminée. Le vent souffle en rafales, la terre est détrempée par les interminables pluies de l’hiver, elle nous reçoit bottes aux pieds au milieu des bâtiments agricoles qui font un îlot presque sec au cœur des prairies inondées. Dans un coin de la cour, Lucie nous montre, adossé à deux haies qui lui font une mince protection, le mobile-home où elle vit avec Antoine et Luna, leur petite fille de 2 ans.
Lucie est depuis un an à la tête d’un troupeau de quarante vaches maraîchines, et d’un « terrain de jeu » de 110 ha de prairies naturelles à Notre-Dame-de-Monts, au coeur du Marais breton. Signe particulier: elle a signé l’une des chartes du projet « Paysans de nature », par laquelle elle s’engage à favoriser la biodiversité sur sa ferme, même au détriment d’une certaine idée de la productivité. La préservation des roselières fait partie de ses engagements ; non seulement elle ne les fauchera que tardivement, mais elle clôturera des bandes de terrain sur le bord de certains fossés pour que ses vaches ne viennent pas piétiner les roseaux et gêner les phragmites, mais également des libellules rares et les rainettes qui en raffolent : c’est beaucoup de temps passé, mais c’est le sens de son engagement. Elle maintiendra également inondées certaines parcelles pour favoriser les oiseaux qui nichent au sol, même si la saison du pâturage sera raccourcie pour ses bêtes.