Forme hybride entre la causerie, le café-philo et le débat, les RDV Transition porté par le Collectif Icroacoa ont pour vocation à rouvrir des espaces physiques de discussion et d’échange sur le territoire.
Pour ce second Rendez-vous fin février, il était question d’agriculture biologique et durable. Un choix qui résonne fortement dans l’actualité, par sa concomitance avec le Salon International de l’Agriculture, événement emblématique, médiatique et éminemment politique. Loin des caméras et des parisiens en mal de ruralité, une quinzaine de personnes se sont retrouvées ce mercredi soir dans le petit lieu de vie du Zinor, autour de deux agriculteurs en conversion et installation en bio. L’occasion d’un échange libre et curieux entre producteurs et consommateurs.
On les appelle agriculteurs ou exploitants agricoles, en langage technocrate. Pourtant nos deux intervenants se qualifient spontanément de paysans. Et plutôt éloignés des caricatures dans lesquelles on serait tentés de les cataloguer : jeune zadiste à cheveux longs ou vieux militant du Larzac à moustaches, faucheurs d’OGM ou d’aéroport à leurs heures perdues.
Guy Cormerais est un cinquantenaire au sourire doux, installé avec ses deux frères depuis 1996 dans le vignoble, vers Aigrefeuille, en production laitière et viticole. Pour la fratrie, il a toujours été question d’agriculture raisonnée, avec une utilisation modérée des intrants et une autonomie alimentaire importante liée à l’utilisation d’un système herbager (ou pâturant). La conversion au bio de l’exploitation laitière s’est faite par étape, mais comme une évidence. Elle est en réflexion pour la partie viticole.
L'agriculture biologique et durable. Une philosophie de production.
Violette Bonneau, 29 ans, elle, est en cours d’installation. Après plusieurs expériences en maraîchage et l’élevage, elle décide de reprendre la ferme de son père, éleveur de volailles, et de la passer en bio. Pour cela, Violette suit une formation à la MFR des Herbiers, spécialisée dans l’aviculture (volailles), une production très industrialisée. Pour elle, la conversion de l’exploitation en bio est une impératif, malgré les investissements et travaux nécessaires pour être en conformité avec le cahier des charges du Bio. Son père, d’abord sceptique face au bio, la soutient aujourd’hui dans son choix d’une production plus respectueuse des animaux.
Dans l’assemblée, plusieurs participants se posent la question de devenir paysans, en maraîchage ou en élevage, avec l’ambition de s’installer en bio ou avec des pratiques raisonnées. L’un d’eux, David, est en reconversion professionnelle. Lui aussi a repris le chemin de l’école, pour monter son projet d’éleveur ovin (moutons). Dans sa promotion, ils sont 7 sur 8 à vouloir s’installer en bio, un ratio élevé qui pourrait traduire la tendance actuelle.
Pour Guy comme pour Violette ou David, la production biologique est un choix synonyme de philosophie. Face à la demande croissante de bio de la part des consommateurs, les invétérés du bio craignent un opportunisme débridé. En effet, agriculteurs comme grandes surfaces l’ont bien compris, il y a de l’argent à se faire avec le marché du bio. Selon les chiffres de l’Agence Bio, 45% du bio est vendu en grande distribution, contre 37 % pour les magasins spécialisés (La Vie claire, Biocoop, Les Nouveaux Robinsons, etc.) et 18 % pour les circuits courts (AMAP et vente direct).
Dans un dossier consacré au bio, le magazine Kaizen explique que faute d’une offre suffisante de bio en France, la grande distribution préfère aller acheter du bio partout dans le monde plutôt que de développer petit à petit la production locale. Une absurdité du point de vue du transport mais aussi de la qualité, liée aux difficultés de traçabilité et de contrôle. De la même manière, les agriculteurs regrettent aussi que le label bio européen ait occasionné un nivellement vers le bas du cahier des charges bio.
Echange libre et curieux entre producteurs et consommateurs.
Les RDV Transition à Montaigu.
La hausse rapide de la demande en produits bio ouvre la voie à une industrialisation du bio, c’est-à-dire à une production biologique intensive, productiviste. Pourtant, produire en bio, c’est une philosophie, une question éthique.
Dans son dossier, Kaizen met en lumière la différence entre le bio (sous-entendu « industriel », que l’on trouve en grandes surfaces) et la Bio, appellation qui fait référence à un modèle de production global, beaucoup plus ambitieux que le seul respect du cahier des charges. La Bio entend défendre à la fois un respect des sols, des animaux, des cycles de la nature et des saisons, mais aussi une juste rémunération des producteurs et une qualité gustative et nutritive des produits.
Mais aussi la relation de l’agriculteur à son travail. Les témoignages révèlent une tendance au « ralentissement », l’envie des paysans de profiter de leur vie quotidienne, familiale. C’est-à-dire, à ne pas s’engager dans un agrandissement de leur exploitation ou dans une course à la productivité (souvent synonymes d’investissements et d’endettement), mais demeurer à une taille raisonnable à partir du moment où leur travail leur assure des revenus suffisants.
Le passage d’un modèle conventionnel (intensif) à une agriculture durable est l’un des défis de la transition écologique, rendu difficile par le monopole des coopératives agricoles, la pression de la grande distribution et l’accès difficile au foncier.
Relever ce défi passe entre autre par plusieurs enjeux, déjà à l’œuvre :
La structuration de la filière et de ces acteurs, afin de la consolider et de peser plus fortement face aux lobbies traditionnels. C’est le travail effectué par de multiples acteurs (Groupements d’Agriculteurs Bio), fédérations, syndicats (Confédération Paysanne), labels, qui veillent aux engagements et aux valeurs défendues par la Bio.
L’innovation, afin de continuer à expérimenter de nouvelles pratiques agricoles (agroécologie, permaculture, agroforesterie, …)
La transmission et l’accompagnement des porteurs de projets. Guy Cormerais a présenté le réseau CIVAM, campagnes vivantes. Les Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu Rural regroupent agriculteurs et ruraux qui innovent et inventent de nouvelles pratiques sur les territoires. Fonctionnant avec des systèmes de parrainages et de formations, ils favorisent les échanges et les initiatives entre agriculteurs.
L’invention de nouvelles formes de commercialisation pour répondre à la demande des consommateurs et pour réduire les intermédiaires (et donc favoriser une meilleure rémunération des producteurs) : circuits-court, vente à la ferme, magasins de producteurs, Amap.